FONTEVRAUD OU LE SINGULIER DESTIN D'UNE ABBAYE FRANCAISE



en descendant des dortoirs

   Il y a bientôt 4 mois, je partageais avec vous ma sélection des plus beaux édifices religieux, que j'ai pu visiter ces dernières années, consacrés au culte musulman.

A présent, je souhaite vous faire découvrir un lieu lié au christianisme mais dont on ne parle pas souvent.

   Sans doute parce que son existence est, à mon sens,  éclipsée par d'autres bâtiments cultuels qui nous sont plus familiers à l'instar des églises, des cathédrales ainsi que des basiliques.

En outre, il faut bien reconnaître que ces derniers, contrairement à celui dont je vais vous parler aujourd'hui, s'intègrent beaucoup plus aisément dans le paysage urbain...

Alors  avez vous trouvé ? Non ?

Il s'agit d'une abbaye.

Celle de Royaumont, située dans le Val d'Oise, est la première  que j'ai découverte au printemps 2009.

Je me souviens avoir alors été émerveillée par la beauté de cet édifice fondé par le roi Saint Louis.

L'immense parc, le réfectoire, le bâtiment des moines,  les ruines de l'ancienne église, le jardin potager mais surtout le magnifique cloître sont restés gravés dans ma mémoire.

Une très belle découverte que je recommande donc à tous les franciliens :)

Puis mes coups de cœur touristiques m'ont menée, par monts et par vaux, bien loin des abbayes françaises jusqu'au cours de l'été 2014.

   J'ai alors découvert, en feuilletant une revue consacrée aux hôtels insolites, celui qui a été installé dans l'abbaye de Fontevraud !

Un bijou qui m'a aussitôt donnée envie d'y dormir mais également d'en apprendre davantage sur ce lieu dont j'ignorais jusque là TOUT !

Et bien m'en a pris !

En premier lieu parce que j'ai réalisé que cette abbaye, que je ne connaissais pas, se situe dans la région du Val de Loire.

Or, cette dernière, où  je me suis déjà rendue à plusieurs reprises ces dernières années, se résumait pour moi aux nombreux châteaux royaux, tels que Chenonceau et Chambord (mes préférés), rentrés dans l'Histoire de France par la grande porte !

Je suis donc très reconnaissante à ce magazine grâce auquel j'ai pu comblé mes lacunes quant à l'exhaustivité des sites touristiques de la Touraine !

   Ensuite parce que cette abbaye, classée depuis le milieu du 19 eme siècle aux monuments historiques français et depuis 2000 au Patrimoine mondial de l'Unesco (avec l'ensemble des monuments du Val de Loire), mérite amplement d'être placée sous les feux des projecteurs car son destin a, depuis sa fondation en 1101, été, le moins que l'on puisse dire, toujours surprenant !

   Ainsi, avant d'être en partie occupée, depuis moins d'un an, par le Fontevraud L’Hôtel, elle a, tour à tour, été l'une des plus grandes cités monastiques de France, a servi de nécropole royale, a été utilisée, de 1814 et ce jusqu'au début des années 60, comme prison puis comme lieu de culture à compter des années 70.

C'est donc de ses différentes vies dont je vais à présent vous parler à travers quelques uns de mes clichés. 



DERNIÈRE RECONVERSION : L'ART DE SE RESSOURCER ET  DE MÉDITER AU FONTEVRAUD L’HÔTEL

se restaurer autour du cloitre éclairé c'est possible
   Le sieur Robert d'Arbrissel, fondateur de l'abbaye au début du 12 ème siècle, doit sans doute se retourner dans sa tombe en voyant qu'une partie de son "bébé", en l’occurrence le prieuré Saint Lazare, a été reconverti en un très bel hôtel !

En effet, et après dix huit mois de travaux menés sous la supervision de l'architecte en chef des monuments historiques, ce dernier est devenu un établissement d'une cinquantaine de chambres qui a ouvert ses portes au public fin mai 2014, soit depuis moins d'un an.

Encore que !

Je suis certaine que ce moine serait heureux de constater que l'architecture des lieux a été préservée et qu'une atmosphère, presque de recueillement, y subsiste toujours :)

C'est toujours ça de gagné n'est ce pas ?

   C'est après 3 heures et demie de route sous une pluie presque battante, que je suis parvenue, en cette veille de la Saint Valentin,  devant les monumentales grilles permettant d’accéder à l'abbaye et de facto à l’hôtel. 

Après avoir sonné et m'être garée sur le parking, une voiturette est venue me chercher pour me conduire à la porte d'entrée de l'hôtel.

Une petite attention que j'ai trouvé bien agréable alors que la pluie continuait à tomber!

En chemin, j'ai pu admirer l'abbaye en grande partie éclairée ! Un premier coup de cœur !

Sachez d'ailleurs que les clients de l’hôtel ont l'immense privilège de pouvoir la visiter de nuit,  de façon autonome ou accompagnés d'un guide.  

Une autre façon de découvrir la beauté de cet endroit :)

Alors que dire de l’hôtel ?

Il tient toutes ses promesses : design plutôt épuré, sans "bling bling",  respectant l'architecture de l'ancien prieuré.

Les chambres sont, quant à elles, dépouillées (l'essentiel étant de profiter de la sérénité de l'endroit  pour se reposer et se recentrer sur soi durant son séjour) tout en restant très confortables.

 Mention spéciale  pour le lit moelleux, le savon au miel fabriqué spécialement pour l’hôtel et la, très grande et agréable, cabine de douche.

Saint Valentin oblige une bouteille de crémant, offerte par la maison et posée délicatement avec ses deux flûtes sur le petit bureau, attendait bien sagement d'être bue.

  Mais au-delà de l'architecture,  je ne m'attendais absolument pas à constater que l’hôtel a fait le choix de se mettre au tout numérique!

Ainsi et dès le check-in, je me suis vue remettre  un mini Ipad à utiliser pour obtenir des informations sur l'abbaye et d'autres lieux touristiques situés aux alentours,  pour prendre  photos et ou vidéos, transférables sur clé par l’hôtel  à l'issue du séjour, ou encore pour accéder à internet.

Plus surprenant encore, c'est également via le système téléphonique intégré à l'ipad que vous pourrez joindre n'importe quel service de l’hôtel.

 Que ce soit la réception, en cas de difficultés à vous en servir, ou les lieux de restauration pour commander un room service ou réserver votre table pour le dîner dans l'un des espaces dédiés à la restauration.

Il est, en effet,  possible de prendre un repas à trois endroits différents.

Tout d'abord à l'I-Bar, situé dans la chapelle aux plafonds voûtés du prieuré Saint Lazare, où j'ai dîné le soir de mon arrivée.

Atmosphère plutôt intimiste dans ce lieu où  lumière tamisée et  tableaux d'inspiration religieuse sont de mise.

   A l'I-Bar, vous pourrez savourer un apéritif,  un vin de Saumur produit par l'abbaye par exemple, ou goûter à la FontevrEAU, l'eau provenant de  la source de la Fontaine d'Evraud ( celle qui a donné son nom à l'abbaye et qui alimentait dès l'origine la cité monastique) et rendue potable par traitement, avant d'aller dîner au restaurant adjacent.

Mais si vous n'avez qu'une petite faim, vous aurez tout aussi bien la possibilité de vous attabler, autour de quelques petites alcôves, pour grignoter une assiette de charcuteries ou de fromages, une soupe, un plat chaud ou un dessert.

J'ai trouvé ces tables très ludiques car des tablettes  tactiles y ont été intégrées permettant d'avoir, dès lors, accès à un contenu numérique diversifié : histoire des lieux,  puzzles ou autres jeux !

   Vous pourrez aussi découvrir la carte du jeune Chef Ruggeri, lauréat des Bocuses d'Or 2013 (d'ailleurs visible à l’œuvre à l'heure du service dans ses cuisines), au restaurant de l’hôtel.

Ce dernier a été aménagé dans une salle voûtée à laquelle des éléments plus designs  et épurés ont été adjoints.

   Mais, selon moi,  le meilleur endroit pour prendre un repas reste autour du cloître.

Là,  quelques bans stylés, où j'ai vraiment apprécié prendre mon petit déjeuner le jour de mon départ, n'attendent que vous.

Car oui, je n'ai pas pu, avant cela, en profiter.  Ces places, limitées, sont prises d'assaut sur la base du premier arrivé,premier servi :) 

   Par ailleurs, l’hôtel réserve d'autres lieux communs très cosy.

 A l'instar du business center où le café est toujours à disposition et surtout, mon coup de cœur, la bibliothèque, aux superbes ouvrages sur les voyages notamment, ayant pris ses quartiers dans l'ancien réfectoire.

Enfin, et pour ne rien gâcher, le personnel est très attentionné et prévenant !

Fontevraud l’Hôtel est donc un véritable cocon qu'il est difficile de quitter :)





la voiturette qui vous emmène du parking à l'hôtel

L'Hôtel de nuit



entrée de l'hôtel





des biscuits spécialités des lieux offerts à la réception. sablé à la framboise !

découverte des chambres






panneau coulissant cachant la tv
le mini ipad en question


vous ne savez pas où accrocher votre veste ?




réfectoire et bibliothèque



le cloître de nuit


petit banc où dîner autour du cloître


l'I-bar, installé dans une chapelle







tableau décorant l'un des murs de l'I-Bar
les alcôves ou dîner à l'I-Bar
l'eau de l'Abbaye

madeleines réalisées avc le miel de l'abbaye
les tablettes tactiles de l'I-Bar

réfectoire et coin bibliothèque de jour





aux abords de l'hôtel






A L'ORIGINE : UNE ABBAYE BIEN PARTICULIÈRE

Henri II de Plantagenet et Aliénor d'Aquitaine
   L'abbaye de Fontevraud, fondée au début du 11 ème siècle près d'une source qui lui donnera son nom, présente deux étonnantes particularités méritant, de ce fait, d'être soulignées.

C'est tout d'abord, avec ses 13 hectares, la plus grande abbaye française mais aussi la plus importante cité monastique d'Europe.

Plus surprenant encore pour l'époque, elle a, dès l'origine, été une abbaye mixte avant d'être dirigée, pendant plus de six siècles soit entre 1115 et 1792, par des femmes !

De fait Fontevraud sera surnommée "l'abbaye des Femmes".

Ainsi, 36 abbesses,  notamment Petronille de Chemillé (la première), Mathilde d'Anjou, Alienor de Bretagne ,Renée de Bourbon, Blanche d'Harcourt ou encore Julie d'Antin, (la dernière), souvent issues de la famille royale des Bourbons, 
ont été à la tête de l'abbaye jusqu'en 1792.

  En effet, après la suppression des ordres religieux, au lendemain de la Révolution Française, l'abbaye de Fontevraud sera fermée puis vendue comme bien national.

C'est donc la fin de sa vie religieuse.

   Pourtant, cet ensemble monastique compte plusieurs espaces qui valent le coup d’œil !

En premier lieu, l'église abbatiale, à laquelle on accède après avoir franchi la porte d'en bas et le mur d'enceinte, où reposent, depuis la fin du 12 eme siècle, les gisants  de certains rois et reines de la dynastie des Plantagenets tels que Henri II de Plantagenet, Richard Cœur de Lion, Isabelle d'Angouleme ou  Aliénor d'Aquitaine, dont la famille a d'ailleurs toujours assuré la protection de l'abbaye.

Vous pourrez également admirer dans sa nef de belles peintures ainsi que de superbes vitraux mais aussi en apprendre davantage sur cette période de l'Histoire française grâce aux différents panneaux posés au sol.

   A
ttardez vous, par ailleurs, quelques instants dans le magnifique cloître du Grand Moutier, où les moniales méditaient, et contemplez le jardin, symbole du paradis perdu.

Assurez vous ensuite de faire un saut dans le superbe réfectoire ou les moniales prenaient leurs repas, aujourd'hui utilisé, du fait de son acoustique phénoménale, comme salle de concert, puis dans la salle des Chapitres, seul lieu de l'abbaye où il était permis de parler, où de superbes fresques, représentant essentiellement la Passion du Christ, ainsi que les monogrammes de certaines abbesses et la représentation de la salamandre, emblème du roi François 1er, vous attendent.


Les dortoirs vous réservent aussi une déconcertante surprise !

L'artiste contemporain Claude Leveque y a, en effet,  installé, depuis 2012, "Mort en Été".

 Une œuvre réalisée avec des barques et baignant dans une atmosphère lumineuse rouge.

Passé l'étonnement, j'ai pour ma part adoré !

Par curiosité,  allez voir la cour Saint Benoit, où se trouvaient les anciennes infirmeries, puis descendez dans les souterrains pour jeter un œil au système hydraulique qui a permis d'alimenter l'abbaye puis la prison en eau.

La dernière abbesse des lieux se serait également enfuie en les empruntant en 1792 !


Et si, contrairement à moi, vous avez encore un peu d'énergie après avoir réalisé tout ce parcours, le pôle énergétique devrait vous en apprendre davantage sur l'engagement durable pris par l’hôtel.

l'abbaye vue de l'extérieure avec son enceinte et sa porte d'en bas











dans l'abbaye

















les gisants royaux


Richard Cœur de Lion
Henri II
Isabelle d'Angoulême
Alienor 











le cloître














le réfectoire







vue sur le cloître depuis le réfectoire





vue sur le cloître depuis l'exposition consacrée à l'ère carcérale de l'abbaye










le cloître vu sous un autre angle














les souterrains


découvrir le Chapitre




dans la salle du Chapitre









symbole de François 1 er

Les dortoirs et l'installation de Claude Leveque














UN CENTRE PÉNITENTIAIRE PENDANT 150 ANS

passage du roman de Jean Genet faisant référence à sa détention à Fontrevaud
   C'est en 1804, suite à un décret de Napoléon, que la décision de transformer l'abbaye en centre pénitentiaire est prise.

 Toutefois, les premiers prisonniers n'y seront incarcérés que dix ans plus tard.

Pendant plus de 150 ans, soit jusqu'à sa fermeture définitive en 1985 (les derniers prisonniers y ont été incarcérés en 1963), elle accueillera des milliers de détenus dont l'écrivain Jean Genet.

Un parcours vous fait revivre leur quotidien à travers des objets quotidiens, des décisions d'écrous, des parloirs ou encore des graffitis faits par les prisonniers eux même.

Il vous permet également d'en apprendre un peu plus sur les différentes étapes conduites par l'administration pénitentiaire à l'arrivée du détenu : attribution d'un matricule, mise à nu notamment.
   De cette parenthèse carcérale il ne faut pas non plus oublier que durant la seconde guerre mondiale, des centaines de résistants y furent emprisonnés avant d'être déportés pour certains et  fusillés pour d'autres.












portrait de Jean Genet


gamelle du prisonnier


dessins et graffitis réalisés par les prisonniers











UN LIEU CULTUREL A NE PAS NÉGLIGER


oeuvre de Claude Leveque dans les dortoirs

  En effet, l'Abbaye se veut être, dans sa version contemporaine un lieu dévolu à la culture.

Ainsi ne manquez pas les joyaux du Trésor, son petit musée, qui retrace, à travers moult objets, ses différentes vies.


Par ailleurs, au milieu des années 1970, Fontevraud devient un centre culturel artistique dont l'activité perdure encore aujourd'hui.

J' en veux pour preuve les résidences d'artistes en cinéma d'animation qu'elle accueille  ainsi que les expositions contemporaines qui s'y tiennent à l'instar de celle ayant lieu actuellement dans les dortoirs.

entre le Trésor (musée) et la cour Saint Benoit









portrait de Julie d'Antin, dernière abbesse de Fontrevaud

portrait de la 32 eme abbesse de Fontrevaud
chapiteaux romans de Fontrevaud
poignard sculpté par un détenu
cahiers de chant d'un détenu
jeu de 52 cartes dessinées et peintes par un détenu


 Et si le cœur vous en dit, vous pouvez également partager avec moi vos impressions, émotions et pourquoi pas interrogations après lecture de cet article. 

Si si n'ayez pas peur :)

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Alors à vos plumes !

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